Tout au long du 19ème siècle, l'augmentation du nombre de récidivistes ne cesse d'inquiéter les gouvernants et juristes de la métropole. Le débat politique et juridique qui se développe dégage une nouvelle notion, celle du délinquant incorrigible face au délinquant occasionnel. En 1885 une loi sur la rélégation de ces récidivistes sera voté au parlement.
Antoine Souquières, né le 9 août 1855 à Saint-Etienne-de-Maurs, fils de Géraud, cantonnier et Louise Fraquié, avait été partie prenante en 1886 dans la tragédie des mines de Decazeville qui avait conduit à la mort par défenestration le sous-directeur Jules Watrin. Antoine avait été acquitté des charges de meurtre par la cour d'assises de Rodez.
Ayant quitté la mine, il est devenu cisailleur puis chiffonnier. Le 20 février 1900 il est condamné par la Cour d'appel de Montpellier à 6 mois de prison pour vols et infraction à interdiction de séjour.
Condamné à la rélégation, il embarque le 21 décembre 1900 sur le « Calédonie » à destination de la Guyane Française; il arriva au Maroni le 15 janvier 1901.
Antoine Souquières décède le 5 septembre 1903 à Saint-Jean, il fut inhumé dans le cimetière du Camp de la Relégation.
En application de la loi de 1885, le site de Saint-Jean du Maroni a été désigné pour accueillir les condamnés à la relégation, c'est à dire « à l'internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises de ceux que ladite loi a pour objet d'éloigner de France ». La Relégation s'installe sur les ruines d'un ancien camp de transportés abandonné en 1868 que la végétation à complètement envahi, sous la forme d'un camp militaire de 16 cases en briques. Les relégués nommés les pieds-de-biche, étaient soumis à un régime qui les autorisait à effectuer toutes sortes d'activités pour eux-mêmes, une fois leur tâche quotidienne effectuée.
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Un relégué |
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Vue du camp de la Relégation à Saint-Jean-du-Maroni |
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Le camp de Saint-Jean après l'appel |
Pour ces relégués, ce qui importe n'est pas tant la gravité de l'acte commis, mais le fait de répéter et de persévérer dans le crime, même lorsqu'il s'agit de délits mineurs comme le vagabondage ou le vol simple. Ils étaient sous le coup de la loi de 1885 des multi récidivistes, divisés en deux catégories :
- les relégués collectifs, vivant au camp, ils fournissaient un travail à l'administration pénitentiaire et devaient répondre à deux appels par jour.
- les relégués individuels, ne faisant plus partie de la première catégorie, ils étaient en semi-liberté et pouvaient être à leur propre compte.
La Guyane est désignée pour accueillir les transportés qui doivent y être employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation.
L'objectif de cette loi est triple :
- elle permet de débarrasser les bagnes métropolitains de leurs forçats
- elle fournit à la colonie une main-d'ouvre abondante, bon marché du fait de l'abolition de
- elle autorise enfin les transportés les plus méritants à s'installer sur place au terme de leur peine.
En 1857, Saint-Laurent du Maroni, bientôt le principal point d'accueil des transportés en Guyane, est créée, construite par et pour les bagnards, devient commune pénitentiaire en 1880. Ses limites s'étendent au territoire pénitentiaire du Maroni créé par décret en 1860. L'administration pénitentiaire doit développer ce territoire au moyen de la main-d'ouvre des forçats et ces derniers, s'ils s'en montrent dignes, peuvent ensuite obtenir des concessions de terre ou des engagements de travail pour y devenir colons. Le but étant d'y créer une colonie de peuplement, à l'image de l'expérience menée par la Grande-Bretagne en Australie.
Le 27 mai 1885 est votée la loi sur la relégation des récidivistes. Plus de 17 000 récidivistes, condamnés essentiellement pour des délits de vol simple et de vagabondage, vont être envoyés en Guyane de 1887 à 1938. Les relégués qui bénéficient de moyens financiers pour se prendre en charge sur place bénéficient du régime de la relégation individuelle. Ils sont libres de contracter des engagements de travail ou peuvent bénéficier d'une concession à la condition de ne pas quitter la colonie.
Tous les autres, c'est-à-dire l'immense majorité d'entre eux, sont placés au régime de la relégation collective. Puisque l'État subvient à leur entretien, ils doivent travailler pour son compte et sont donc internés au sein d'un dépôt, encadrés par des agents de l'administration pénitentiaire et astreints à des travaux forcés afin d'amasser un pécule suffisant pour pouvoir, à terme, bénéficier du régime de la relégation individuelle et favoriser leur installation dans la colonie.
Le premier convoi de relégués débarque à Saint-Jean avec son personnel d'encadrement le 20 juin 1887. Mais rien n'est prêt pour les accueillir : les relégués vont donc devoir bâtir les bâtiments destinés à les abriter. Saint-Jean est édifié dans l'urgence et la plupart des bâtiments, dont les cases des relégués, sont des paillotes qui protègent particulièrement des intempéries. Ces cases se détériorent très vite sous l'action du climat et de l'humidité, donnant un taux de mortalité très important dans les premiers temps d'installation et de nombreuses évasions.
Afin de l'assainir et de mieux contrôler les relégués, les autorités pénitentiaires décident de reconstruire Saint-Jean en matériaux durables, transformant le camp en un pénitencier. Tous les relégués sont réquisitionnés pour accomplir les travaux et très peu bénéficient du régime de la relégation individuelle. La relégation collective devient un régime de travaux forcés à perpétuité comme au pénitencier de Saint-Laurent du Maroni.
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La cantine à Saint-Jean |
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Une rue à Saint-Jean |
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Les relégués à la déforestation |
Le pénitencier de Saint-Jean sera désaffecté en 1943.
L'immense majorité des condamnés ont été inhumés au cimetière du camp de la Relégation, cimetière très peu évoqué dans les archives et redécouvert il y a peu. Chaque tombe est identifiable par le trou qu'elle forme, le cercueil de bois ayant disparu avec le temps. L'association qui s'occupe du site a choisi de laisser pousser des fougères dans ces trous et d'entretenir les passages entre les tombes pour les visiteurs.